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Vivre libre, c’est respirer librement

Article écrit par François Combeau

Vivre libre, c’est respirer librement

" La véritable liberté vit dans le cœur de l’homme dont la conscience s’est éveillée. "

Comment s’exprime cette liberté ?
Jusqu’où pouvons-nous intervenir consciemment dans son développement ?
La respiration, une fonction volontaire ou involontaire ?
Que veut dire travailler sur la respiration ?

« Allez au-delà de ce qui respire, là est le souffle. » (Shri Aurobindo)

Le « Respir » est un dynamisme universel dans lequel l’homme s’inscrit et qui s’actualise en nous sous la forme d’une respiration dont l’inspiration et l’expiration sont l’expression.
Il s’agit bien d’un échange entre les mondes du dehors et du dedans, une porte qui nous relie au Tout. Ce dynamisme ne nous appartient pas, il s’agit d’un cycle qui se déclenche sans que notre mental n’intervienne, un cycle nourri en dehors de notre contrôle et sur lequel pourtant nous pouvons agir par l’intermédiaire de muscles volontaires réduisant ou augmentant les espaces et conditionnant les formes.

C’est là une dualité parfois difficile à assumer. Je veux dire par là que tout le travail que nous faisons sur la respiration, les développements que nous recherchons, tout contrôle que nous tentons de maîtriser, ne devraient jamais faire de la respiration notre «propriété », la propriété de notre ego, une création de notre mental. En perdant son rythme naturel et son dynamisme spontané, la respiration perd sa fonction (le lien), et devient vite une réponse inadaptée à nos besoins « ici et maintenant ».

« La vie d’un homme n’est que du souffle qui se rassemble.» (Lao Tseu)

La respiration profonde n’est pas limitée à la cage thoracique ou aux mouvements du diaphragme. Elle engage le corps dans sa totalité. La respiration saine présente un caractère d’unicité et d’équilibre.
Pour que tout vive et respire pleinement, il est nécessaire que la cage thoracique se libère de ses cuirasses, que le visage desserre les voies de passage (narines, pharynx, glotte …), que la colonne vertébrale retrouve sa vie intégrée, sa souplesse et sa flexibilité, afin de pouvoir suivre le cheminement de cette vague qui du fond de l’abdomen embrasse tout le corps et vient s’épanouit sur la plage qu’est notre visage.

Le plus souvent, la fonction respiratoire se développe de manière non consciente, régulée par les centres nerveux du bulbe rachidien.
A notre insu, elle s’adapte à toutes les situations physiques (activité, posture … ) émotives et d’environnement.
Cette adaptation modifie :

  • son rythme (ralenti pendant le sommeil et la vie végétative, accéléré pendant l’activité physique, régulier ou saccadé, un instant suspendu pendant la déglutition);
  • son lieu (respiration dite « thoracique », « costale latérale », « claviculaire », « costale abdominale », « dorsale », «pelvienne », en fonction du lien et de l’orientation des mouvements qui la définissent) ;
  • son amplitude liée aux besoins expiratoires du moment et de la fonction dont elle accompagne le développement.

Ceci n’est pas exhaustif..

Notre respiration prend une forme qui est liée a notre état – histoire – mémoire, c’est le souffle formel; en amont, il y a le « Respir» informel.

La respiration, en tant qu’actualisation en nous du «Respir universel » est bien un échange entre les mondes du dehors et du dedans. Que rien donc ne vienne entraver cette dynamique.
Lorsqu’elle est libre, elle s’adapte à la réalité de ces deux mondes ainsi qu’à nos besoins, nos intentions, nos activités, notre état émotif et relationnel. Elle suit fidèlement notre vie physique et les nuances de notre vie affective.
L’évolution de la dynamique respiratoire d’un individu ne peut donc passer par l’apprentissage d’un conditionnement, l’emprisonnement dans une forme, mais passera plutôt par :

  • retrouver la liberté du support physique, lieu d’actualisation que sont notre corps et ses mouvements ;
  • revenir à la disponibilité du système nerveux pour qu’il puisse recevoir les informations venant des milieux extérieur et intérieur ;
  • enfin donner une réponse adaptée par la commande des ouvertures et développements qui permettent son expression.

Il faut pour cela la nettoyer des habitudes figées acquises inconsciemment au fil de notre histoire et de ses fixations émotives, ou habitudes apprises dans telle ou telle technique (« … la bonne façon de respirer» ! Pour qui ? Pour quoi ?…).

 

 

Celui qui ne connaît qu’une façon de respirer devient bien vite un réel handicapé de la respiration.

Il s’agit seulement d’enrichir le système nerveux de toutes ces expériences afin de lui permettre le choix « ici et maintenant » hors ego, hors mental.
Tout conditionnement dans sa forme, son lieu ou son rythme, fige la respiration et par là même fige l’activité, l’affect et la pensée.

Si vous voulez que la respiration engendre le mouvement, commencez par ne pas la figer dans une forme.

Il n’y a pas de mauvaises respirations, mais seulement des réponses respiratoires inadaptées à la fonction qu’elles accompagnent ou l’état qui nous surprend. Si la respiration claviculaire (accompagnée d’une élévation des épaules) s’avère dangereuse pour la santé vocale de l’orateur ou du chanteur (à cause de son influence sur la tension laryngée), elle a bien sa raison d’être dans la réponse respiratoire de l’asthmatique ou du noyé face à la nécessité de survivre. Quant à la calme et profonde respiration de l’abdomen, elle semble bien peu capable d’exprimer la passion ou simplement la caresse affective.

En tant que pédagogue, je me reconnais davantage dans le rôle de guide d’une re-exploration que dans celui qui sait et fixe le modèle à imiter, décidant pour l’autre de ce qui convient. Qui serais-je donc pour connaître ce qui est bon pour l’autre, ce dont il a réellement besoin ? Je me sens seulement capable d’observer, sans toujours comprendre d’ailleurs ce qui limite la personne, ce qui dans ce support physique où s’actualise le Respir, se fige et exprime la contrainte, ce qui est de l’ordre de l’habitude, du conditionnement, de l’idée reçue…

Mon rôle est ensuite de proposer chacun des contextes et environnements (situations, postures, activités) qui lui permettent d’explorer d’autres possibilités, des réponses différenciées pour les mettre en mémoire.

Ce qui permet aussi d’enrichir l’image de soi, de ses espaces, de se volumes et de retrouver la mobilité des éléments qui expriment cette dynamique (côtes, sternum, colonne vertébrale, omoplate, paroi abdominale, narines… ), de proposer enfin des jeux de prises de conscience et de différenciation qui permettent à la personne de ressentir avec plus de clarté ce dont elle a fondamentalement besoin, et hors conscience d’adapter sa réponse respiratoire, une réponse à chaque instant réinventée, recréée pour correspondre aux besoins.