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Interview de François Combeau, dans le cadre d’un mémoire universitaire

Interview de François Combeau

Pouvez-vous nous parler de la méthode Feldenkrais ?

Ce que nous appelons "Méthode Feldenkrais" est une approche globale de la personne et de son fonctionnement. Elle ne cherche pas à identifier et isoler un trouble spécifique de la personne toute entière dans sa façon d’agir, penser et se comporter dans l’environnement. Elle n’a pas comme propos de récupérer un trouble, réduire et gommer une pathologie. Elle cherche plutôt à nous faire bouger, redévelopper la capacité à apprendre, à s’ajuster, s’organiser dans l’action d’une façon plus fonctionnelle et respectueuse de notre structure et de ses règles de fonctionnements.

Vous avez bien remarqué que les troubles que les personnes évoquent devant nous, qu’elles nous montrent, sont la partie visible de l’iceberg. Il y a tout une autre réalité derrière. Ainsi, essayer de régler ce problème-là sans le voir dans un contexte global n’a pas beaucoup de sens.

Ce que je pense de plus en plus est qu’il y a deux raisons essentielles pour lesquelles les personnes peuvent avoir des difficultés, des limitations ou pathologies. C’est d’un certain point de vue assez simple :

  • Soit c’est parce qu‘au niveau de ce que l’on appelle "l’image de Soi", il y a un manque, une relation qui est perturbée, une déconnexion, un manque d’intégration, de clarté, de différenciation, etc. L’image de soi n’est qu’un sac mémoire, c’est la mémoire de toutes les expériences qui ont été vécues et c’est dans ce sac mémoire que le cerveau puise les éléments nécessaires pour construire l’action.S’il y a un manque, s’il y a eu un traumatisme qui a terni, voire étouffé une partie de l’image de soi, s’il y a des expériences qui n’ont pas été faites, ou incomplètement réalisées, alors nous allons créer des situations dans lesquelles la personne va avoir l’occasion de reclarifier cette partie de l’image de soi qui n’était pas définie et disponible.
  • L’autre raison pour laquelle il peut y avoir trouble, c’est s’il y a un problème au niveau des capacités cérébrales, c’est-à-dire que le cerveau, dans sa gestion du passage "intention-action", a des capacités qui ne sont pas développées ou insuffisamment matures et développées. À ce moment-là il va falloir travailler sur ces capacités, ça n’a rien à voir avec "l’image de Soi", il s’agit de « comment notre cerveau fonctionne pour construire l’action ». C’est la plasticité cérébrale qui est en jeu, la capacité du cerveau à créer des plans d’actions cohérents et pertinents par rapport à l’intention de la personne, la capacité de s’ajuster par rapport à l’environnement, etc.

Comment savoir quelle séance pratiquer ?

Donc, lorsque l’on voit une personne, pour moi, une des premières choses à essayer d’évaluer, c’est si l’origine du trouble est un problème au niveau de l’"image de Soi", c’est-à-dire dans la représentation que la personne a d’elle-même, (il s’agit bien, et il faut le rappeler, d’une représentation inconsciente en grande partie qui dépasse de beaucoup l’image que l’on a de soi dans le miroir, ou d’après le regard des autres), s’il y a quelque chose qui n’est pas clair, par exemple dans un trouble d’articulation ou de déglutition : la différenciation entre la langue et la mâchoire, la langue et le larynx, entre la position de la tête et de la langue, des choses assez basiques. Auquel cas ce sera relativement simple, nous allons créer des situations d’exploration, qui vont permettre de clarifier ces différents éléments. Cela suppose aussi qu’à un mouvement donné, je me sois posé la question du support physique de la voix, de la phonation, de l’articulation, de ces différentes fonctions, que je me demande ce qu’il est nécessaire pour qu’une personne puisse développer sa voix dans l’espace, quels sont les éléments nécessaires au niveau de l’image de soi, au niveau de l’expérience préalable et que je devienne capable de construire des séances adaptées pour clarifier tous ces points, ces relations, ces différenciations.

Ou bien si il s’agit plutôt d’un trouble qui vient du manque de développement d’une capacité cérébrale particulière. Une des capacités fondamentales étant la capacité à organiser l’action dans l’espace. Au départ, il y a une intention qui va s’exprimer dans une action et il faut pour cela une véritable organisation. S’organiser, c’est associer des éléments ensemble dans un ordre séquentiel et une timing particulier, dans un contexte particulier, organiser la respiration par rapport à tout cela, etc.

Dans ce cas il n’est pas besoin d’aller travailler là où est le problème, le trouble, parce que cette capacité en question n’est pas spécifique à cette fonction, à l’usage de ces éléments, elle est la même pour toute les fonctions… Si c’est la capacité d’organiser l’action, alors nous pourrons travailler indifféremment avec l’une ou l’autre des parties, l’une ou l’autre des actions… Si, par exemple, c’est une question de rapport à l’espace, nous n’aurons pas besoin de travailler là où est le problème. Nous pourrons aborder cette question, le rapport à l’espace, aussi bien au niveau du pied, de la cage thoracique et la respiration, du bras, de la tête, n’importe où.

Si c’est une difficulté, un manque au niveau de l’image de soi, on va devoir aller travailler plus localement.

Si c’est une difficulté au niveau de l’une de des capacités, on va la retrouver quel que soit ce que fait la personne. Cela veut dire que ce que l’on observe dans sa manière d’articuler est à l’image de ce que l’on pourra observer dans la manière d’utiliser sa main et de jouer avec sa main, ça sera aussi en relation avec comment elle s’organise pour s’asseoir, pour se lever, on le verra tout de suite, il faut observer.

Lorsque cela se situe plutôt au niveau de l’image de soi, on verra une personne qui se débrouille bien dans plein d’autres fonctions mais il y a quelque chose qui n’est pas clair au niveau de sa bouche.
Encore une fois, de ce point de vue, ce qui est important de connaître est : quel est le support physique de chaque fonction. Par exemple, pour parler ou chanter, quels sont les éléments physiques, mobilités… qui vont être nécessaires : on a besoin d’une respiration, une inspiration qui remplit les poumons, une expiration qui fait sortir l’air de façon cohérente, progressive et on a besoin de pouvoir gérer cet expiration, que tout ne sorte pas d’un coup. On a besoin de l’espace de la bouche comme résonateur mais aussi comme volume pour permettre le mouvement des organes de l’articulation. Il faut une certaine ouverture dans la bouche, que la langue à l’intérieur de la bouche puisse bouger, non seulement l’avant de la langue, mais aussi l’arrière de la langue, qu’elle puisse bouger en bas et en haut. On a besoin des cordes vocales, de leur ouverture à l’inspir et d’un bon accolement pendant la phonation…

Donc, je liste dans ma tête, et bien avant d’être en situation de rééducation, tout ce qui est nécessaire pour que la phonation fonctionne. Lors d’une séance, je vois la personne arriver, elle a un trouble de la phonation, une difficulté dans sa façon de parler ou de chanter, j’ai dans la tête quel est le support physique de ces fonctions, tout ce qui est nécessaire de mobilités, différenciations, savoir-faire… et par rapport à tout cela je regarde ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ou laborieusement, chez cette personne.

Par exemple, la bouche de cette personne reste fermée, serrée ou trop peu mobile. Je sais que pour que la bouche s’épanouisse, il faut qu’elle puisse s’ouvrir, du fait de relâchements et d’une certaine activité musculaire. Ça ne veut pas dire que là je vais lui demander d’ouvrir davantage sa bouche tout de suite, mais je constate que là il y a une difficulté. La deuxième question qui me vient est celle-ci : est-ce qu’il s’agit juste d’une tension au niveau de ses mâchoires ou est-ce que c’est un problème plus global d’ouverture vers l’extérieur, de gestion de la relation à l’environnement et aux autres ?

À ce moment-là, petit à petit, comme un détective, je vais essayer de savoir où je vais intervenir. Si c’est un problème de relation à l’environnement, parce que c’est quelqu’un qui, dans le passé, a été probablement un peu contraint, si je vois qu’elle n’ouvre pas la bouche mais qu’en même temps elle est fermée au niveau de la cage thoracique, des épaules, je n’ai pas besoin de travailler au niveau de la bouche. Je vais travailler à partir de séances qui petit à petit lui feront retrouver cette capacité d’entrer en contact plus librement avec l’extérieur puis aussi de se refermer, de se protéger de ce monde extérieur… Il est aussi très important de pouvoir aller dans une dynamique (ouverture) aussi bien que dans l’autre (fermeture). Je vais alors travailler avec le visage, l’ensemble de la cage thoracique, les bras, le bassin et les jambes, toute une séries de séances qui stimuleront et clarifieront la capacité d’ouverture et de fermeture.

Puis je vais inclure petit à petit la bouche dans les explorations et ensuite relier l’ouverture de la bouche à ces dynamiques plus globales, montrant que l’espace de la bouche fait partie de cet ensemble, en est inter-dépendant. Je vais situer cette ouverture, qui semblait jusque-là difficile, dans un cadre plus large de soi dans l’espace.

A ce moment-là, si c’est une personne qui a besoin de sentir que je m’intéresse à son problème, je vais faire quelques séances plus spécifiquement concernant l’ouverture de la bouche, mais dans la relation avec les pieds et l’appui, ou bien la cage thoracique et la dynamique de la ceinture scapulaire, etc., puis bien souvent ensuite, je dirai « tiens, laissons la bouche un instant et regardons un peu plus largement. Ouvrir la bouche c’est s’ouvrir à l’espace, se mettre en relation avec l’espace environnant et les autres… et si on travaillait aujourd’hui cette capacité de s’ouvrir et de se fermer à l’espace ?».

Lorsque l’on parle intelligemment avec une personne, quelque soit son âge, son "bagage" personnel, celle-ci comprend ce qu’on lui dit. Nous ne sommes pas dans une société où la prise de conscience de soi a tellement d’importance, dire « j’ai un problème de voix », c’est comme si on disait « j’ai un cor au pied » ! C’est comme si notre voix c’était quelque chose en dehors de nous, ce n’était pas nous. Il s’agit en réalité non pas d’un problème de voix mais de comment la personne l’utilise et fait usage d’elle même lorsqu’elle parle ou chante, dans son milieu professionnel, personnel, affectif….

Avez-vous rencontré des personnes résistantes ?

Non, je ne connais pas cela. J’ai un travail de détective. Bien sûr, il y a des personnes avec qui d’emblée l’approche est plus facile qu’avec d’autres. A moi d’aider les personnes à regarder les choses autrement, c’est mon travail. il est normal que quelqu’un qui a un problème au niveau de sa voix soit perturbé par sa voix, ça l’ennuie tous les jours. Pour certaines personnes, le facteur temps est important. J’ai la chance, dans ma façon de travailler, de pouvoir laisser la liberté à l’autre de son timing. Je laisse le temps et l’espace nécessaires pour que la personne comprenne de quoi il s’agit, qu’elle s’approprie sa propre recherche.

Dans le cadre de la rééducation orthophonique, il faut regarder les personnes qui viennent nous voir comme des personnes intelligentes, à des tas de niveaux. Il nous faut être capable d’expliquer, donner du sens pour que l’autre (la personne en rééducation) devienne l’acteur de sa rééducation, d’une recherche qui la concerne et la motive. Regarder le problème sans regarder la personne, c’est en faire un enfant, pire, souvent, un objet.

Dans ce travail, il y a ce que l’on propose mais aussi ce que l’on explique, ce que l’on relève, ce que l’on souligne et éclaire, ce que l’on donne à l’autre mais aussi ce que l’on reçoit de l’autre… C’est un processus très complet et très interactif qui engage deux personnes.

Comment en êtes-vous venu au « Feldenkrais » ?

J’y suis venu à la suite d’un gros accident pendant mon service militaire après lequel on m’a annoncé que je serai paralysé et dans un fauteuil roulant à l’âge de trente ans. C’était un peu violent mais cela a été efficace pour me faire réagir et bouger à bien des niveaux. J’ai pris en charge mon propre devenir, bien décidé à ce que la prévision annoncée ne se réalise pas. Je me suis alors tourné vers de nombreuses approches, ai rencontré des personnes tellement ouvertes vers d’autres pratiques, dont celle-ci à laquelle je me suis formé devenant praticien puis formateur.

Ensuite, pendant ces années de mon travail à l’hôpital, je me suis rendu compte que je ne voulais plus m’intéresser aux troubles d’une personne sans la regarder dans son entier. Je suis resté douze ans dans ce service de rééducation de la Salpêtrière comme orthophoniste. Pour moi, ce n’était plus possible de regarder un trouble de mémoire et de ne pas regarder la façon dont la personne vit, ce qui la motive, ce qui la stimule, de m’intéresser à la voix de quelqu’un et de ne pas m’intéresser à ce qui est dit par cette personne. Il faut toujours revenir à la personne comme une entité qui a sa propre cohérence.

Aujourd’hui, les neurosciences nous ont appris que le cerveau avait un fonctionnement transversal. Il ne construit pas l’action sans s’intéresser à l’émotion qui est sous-jacente, à l’environnement de la personne au moment de l’action, à l’histoire dans laquelle tout cela se développe. Notre cerveau fait des aller-retours en permanence et c’est pendant et après ces aller-retours qu’il crée l’action.

Nous, ce que nous voyons, c’est le résultat de tout ce processus complexe et riche, comment l’action a été créée. Et lorsque nous voyons un trouble, une difficulté, c’est que dans ce processus de création de l’action, il y a eu un problème à un niveau ou à un autre. C’est ce qu’il nous faut découvrir, en s’intéressant à tout cet ensemble vivant. On ne peut pas se contenter de « c’est parce qu’il n’ouvre pas assez la bouche ». Il faut essayer, autant qu’on le peut, de ne pas séparer les choses, c’est-à-dire le problème et la personne toute entière, la bouche de l’ensemble du corps, la respiration de la relation à l’espace. Il nous faut tout le temps rassembler la personne comme une entité cohérente.

Le trouble c’est l’expression d’une incohérence à un endroit, à un moment donné. il nous faut donc aider par l’exploration, la recherche, le travail, à retrouver de la cohérence.

Mais après, les séances de mouvements ne sont rien d’autre que des outils, des outils fantastiques mais des outils seulement. Cela ne peut pas être des exercices. Pendant que l’on fait pratiquer une leçon à un patient, il y a la gymnastique de la leçon, entre guillemets, et puis il y a tout ce que l’on nourrit comme pensées, où est-ce que l’on emmène l’attention de la personne, ce que l’on souligne, fait observer, stimule, recherche à travers des variations… et tout ceci est aussi important, si ce n’est plus, que les mouvements eux-mêmes. Je crois que quand on a compris cela, on a compris plein de choses. La leçon dans son schéma n’est qu’un support, rien qu’un support.

C’est ce qui permet en fait que le changement se fasse, de faire évoluer les gens ?

Sûrement pas, c’est n’est que le matériau et les outils qu’utilise le sculpteur pour créer son œuvre. C’est le bois, la terre, le ciseau, le marteau et rien d’autre. Dans une même séance, par exemple « ouvrez la bouche deux, trois fois, puis lorsque vous ouvrez la bouche, maintenant, montez les yeux, ensuite faites quelques mouvements en descendant les yeux, après ouvrez la bouche en montant la tête, en descendant la tête, en fléchissant les chevilles, en ouvrant les chevilles… », ça c’est le matériau. La véritable séance c’est plutôt tout se qui se passe autour de ces propositions : où est-ce qu’on amène l’attention, comment on amène la personne à s’écouter pendant qu’elle le fait, comment on amène la personne à se relier à l’espace. Ce n’est pas le fait d’ouvrir et de fermer la bouche, c’est le comment.

Pourquoi, lors des séances, fléchir les jambes et poser les pieds au sol ?

Tout d’abord, nous faisons souvent travailler les personnes allongées sur le dos afin de réduire le plus possible le souci et l’engagement du système nerveux dans la recherche d’équilibre et l’organisation par rapport à la force de gravitation. Ainsi celui-ci sera plus disponible pour apprendre, ajuster…
Quand au fait d’avoir les jambes fléchies, on ne le fait pas tout le temps mais, pour de nombreuses personnes, rester allonger longtemps avec les jambes étendues peut créer une tension et une fatigue au niveau de la courbe lombaire. Lorsque l’on fléchit les jambes, les lombaires viennent poser sur le sol, c’est moins fatigant. Aussi, dans tous les mouvements du bassin, que l’on roule sur le sol, comme sur un cadran d’horloge, vers 12h ou vers 6h, il est plus facile de rouler le bassin quand les jambes sont fléchies, tout simplement parce que le bassin roule plus librement autour de la tête du fémur quand celui-ci est levé.

Vous parliez dans une de vos séances de la « bosse de bison » ?

Il s’agit de la charnière vertébrale entre les dorsales et les cervicales. C’est une partie de la colonne vertébrale qui proémine légèrement en arrière. Elle se situe juste à la hauteur de la ligne des épaules. C’est souvent un endroit qui ne vit pas beaucoup, ne bouge pas beaucoup, qui ne fonctionne pas très librement.

Il est très important de libérer ces articulations vertébrales parce qu’elles sont le véritable pivot de la tête. De plus, la C7 est "la vertèbre du larynx", et de ces deux vertèbres C7 et D1 dépend la liberté du larynx et de ses suspenseurs. Elle a bien d’autres fonctions aussi. Les personnes qui ont une courbure comme une bosse, à cet endroit, c’est parce que la mobilité y est un peu gelée. Tout ce qui s’arrondit est un peu figé.

Et les personnes qui, au contraire, ont le torse très projeté en avant ?

Par rapport aux difficultés de la vie, il y a en tout cas deux façons de réagir : soit par l’arrogance vindicative, soit par l’effacement. La moitié des personnes est creuse, affaissée devant et arrondie derrière et l’autre moitié arquée derrière et bombée devant. C’est la même fragilité dans les deux cas, mais ce sont deux façons différentes de répondre à la même insécurité, la même difficulté à trouver sa juste place dans ce monde.

Que pensez-vous du fait de dire que la méthode est plus ou moins adaptée pour certaines pathologies ?

Je ne suis pas du tout d’accord avec cela. D’ailleurs, je n’aime pas ce terme « méthode » : il ne s’agit en réalité que d’une suite de principes pleins de bon sens. Ce n’est que du bon sens que de comprendre que si la voix d’une personne ne sort pas, c’est que d’une certaine façon celle-ci se protège inconsciemment ou s’est protégée de dire, d’exprimer quelque chose au monde et aux autres autour.

On n’aborde pas forcément la question sous l’angle psychologique mais on pourrait bien évidemment travailler ce point de vue. Nous pouvons essayer de comprendre quels sont les comportements contradictoires que la personne a organisés ou organise.

Cette personne veut aller vers mais va contre. Le problème de voix nous dit « je voudrais dire mais je m’efface ». Le problème identifié est juste le témoin d’une certaine incohérence et notre travail consiste à essayer de découvrir où se situe l’incohérence, comment elle se manifeste ; et à la suite de cette recherche, nous créons des situations pour que la personne retrouve plus de cohérence.

Il est beaucoup plus simple et moins impliquant pour chacun de nous dire « j’ai un problème de voix, arrangez-moi les cordes vocales, ou ma respiration, ou ma statique… » que de se dire « j’ai un problème de voix, parce que je vis et exprime une incohérence ».

Le « problème de voix » peut être en grande partie lié au fait que deux comportements développés simultanément ne sont pas cohérents l’un avec l’autre. Prenons l’exemple d’une patiente, qui, quand elle me parle, creuse et affaisse la poitrine en même temps, c’est comme si une partie d’elle allait en arrière, reculait alors qu’elle voudrait me dire quelque chose et s’exprimer. Je lui proposerai alors : « nous allons essayer de découvrir pourquoi vous avez cette tendance à fermer la cage thoracique quand vous parlez, parce que clairement si vous continuez à faire ça, vous allez perdre votre voix complètement. Pourquoi ? Regardez, il y a des muscles qui font le lien entre le larynx et les clavicules, les premières côtes, le sternum… Si votre cage thoracique s’effondre et s’affaisse pendant que vous parlez, vous créez une tension et celle-ci empêche votre larynx de bouger. Si votre larynx ne pleut plus bouger, les cordes vocales se fatiguent ».

Il faut prendre les personnes qui sont en face de nous pour des êtres intelligents. Tout seul il est parfois difficile d’être intelligent dans le regard que l’on porte à soi-même et ses comportements parce que nous sommes un observateur émotionnellement et affectivement impliqué. Donc nos patients ont besoin de notre regard pour prendre conscience, comprendre. Mais encore une fois nous avons à faire à des personnes intelligentes. Il y a aussi, bien sûr, un timing dans le travail, un moment pour dire les choses. J’écoute, j’observe et je dis : « je vais proposer une leçon à ma façon et nous allons en parler après, allongez-vous sur le dos… je commence la leçon ». Je commence à proposer des mouvements, des explorations, puis en cours de route je commence à dire des choses, je m’organise pour qu’à la fin de la séance ces personnes puissent sentir quelque chose, se sentir différemment.

A la fin de la séance je vais prendre un peu de temps pour faire le lien entre ce qu’ils ressentent et la question qui a été posée en début de séance. Eux, bien souvent, ne sentent pas encore en quoi ça va les aider mais moi je fais le lien intellectuellement. Et je leur dis : « chez vous, observez de temps en temps comment la bouche s’ouvre, où est votre tête, ou ce qui a été l’objet du travail pendant la séance et puis attendons de voir un petit peu ce que votre système dans le sens noble du terme, votre organisme, votre cerveau vont faire de tout cela et comment il va petit à petit utiliser ces informations en situation, quand vous parlez, lorsque vous communiquez. Et nous en reparlerons la semaine prochaine ».

J’organise un petit peu les étapes dans le temps. Je ne m’attends pas à ce que la personne comprenne tout de suite et voit tout de suite en quoi cela l’aide vocalement. Je lui dis : « laissons travailler tranquillement, faites-moi confiance, faites-vous confiance, faites confiance à ce processus, votre seul travail à la maison est d’observer, de voir comment, petit à petit, cela vous permet de vous organiser autrement, comment, quand vous parlez, vous regardez différemment, vous sentez différemment, » et puis je leur explique encore une fois, comment cela va les aider au bout d’un moment.

On ne va pas « chosifier » la difficulté de voix, comme une réalité extérieure à soi, il faut donc que la personne devienne le véritable acteur de cette histoire et qu’elle clarifie ce que veut dire pour elle être acteur. Si elle me dit qu’elle ne sent pas sa voix, je lui explique que c’est normal et que ça va prendre un petit peu de temps pour que son système nerveux utilise les informations qu’on lui a données pour construire et que la semaine d’après nous allons voir justement d’après ce qu’elle a senti, observé, vécu, comment nous allons ensemble continuer le travail. J’essaie toujours de la regarder comme une personne intelligente, capable de sentir, capable de comprendre.

D’une séance à l’autre vous leur donnez des petites choses à faire ?

Souvent mais pas forcément du « faire » mais plutôt du « sentir ». Je dis par exemple : « Vous allez partir avec ces sensations, ces questions, cette attention, et puis de temps en temps, pendant la semaine, observez quand vous parlez à quelle hauteur par exemple est votre regard (ou tout autre observation liée aux explorations effectuées). Pour le moment, ne corrigez pas, ne jugez pas, observez-le simplement ».

Si vous vous surprenez à regarder par terre quand vous parlez à quelqu’un, posez-vous juste la question « Est-ce qu’il y a quelque chose qui me dérange dans la situation, est-ce que je me sens mal de lui parler ou est-ce que c’est une habitude ? », mais ne corrigez rien, observez-le et notez-le ». Il faut sortir du « c’est bien, c’est mal ». Ce n’est pas regarder et considérer quelqu’un comme intelligent que de lui dire de se corriger quand ça n’est pas bien.

Une personne arrive, elle a un problème de voix, parce qu’elle tient sa tête en tension en avant. Nous travaillons et à la fin de la séance je lui dis : « Regardez, c’est intéressant, votre tête n’est pas du tout placée de la même façon, vous entendez votre voix n’est pas la même que tout à l’heure, elle résonne différemment, elle semble plus fluide, facile… ? ». La personne très souvent me demande alors comment elle peut faire pour "la garder comme cela". Je lui réponds : « Non, ce n’est pas ça la question, rentrez chez vous et de temps en temps, quand vous parlez, observez où est votre tête ». Elle me dit : « Mais alors, si elle est de nouveau en avant, il faut que je corrige ! » Je lui réponds que non, qu’elle se demande si elle a besoin de cette attitude dans l’instant, qu’elle essaie de comprendre, à ce moment-là, si c’est important ou non, si cela correspond à quelque chose ou non, si il s’agit juste d’une habitude et de laisser faire, que son cerveau est intelligent. Je lui demande de me dire la semaine suivante ce qu’elle a observé.

En général, lorsqu’ils reviennent la semaine suivante et après leur avoir demandé plusieurs fois ce qu’ils ont observé, ils me disent par exemple : « Ah oui, c’est drôle, je n’ai pas du tout eu de difficultés, j’ai fait une conférence et ma voix était parfaitement placée, tout le monde m’a dit « Waouh, ta voix aujourd’hui ! » ». Et tout cela s’est installé comme simplement, naturellement, organiquement nous pourrions dire, comme une évidence. Ces personnes souvent n’ont pas de recul et ne savent pas en parler.

En travaillant comme cela, je ne m’intéresse pas tellement à la volonté consciente de la personne pendant le travail, je n’ai pas envie que celle-ci prenne le pas sur l’auto-ajustement et l’adaptation du système lui-même (incroyable capacité dont notre cerveau est muni). Donc, je ne dis pas : « Vous devez être conscient de tout ce que vous faites ». Par contre, je travaille pour donner des informations, pour stimuler, pour éveiller le système, et après je dis : « Maintenant retournez dans la vie et nous allons voir ce que votre organisme, système vivant, fait de toutes ces découvertes».

Si c’est un problème au niveau de l’image de soi, nous faisons des séances d’exploration, de reconnaissance, nous nourrissons une mémoire sensori-motrice, ce n’est donc pas à la fin de la séance que le cerveau va faire la différence, mais ayant engrangé un certain nombre d’informations, il va ensuite les utiliser dans la gestion de l’action lorsque le besoin se fait sentir.
Si c’est au niveau des compétences et des capacités cérébrales, on les travaille pendant la séance et à la fin de celle-ci, la personne va retourner dans sa vie, c’est là que le cerveau, si nous avons développé quelque chose, va l’utiliser.

Fondamentalement notre cerveau est fait pour fonctionner et non pas pour dysfonctionner. Si quelque chose dysfonctionne, c’est qu’il y a un manque quelque part, que notre cerveau n’avait pas les éléments dont il avait besoin.

Qu’est-ce qui vous a aidé pour vos connaissances sur la plasticité cérébrale ?

C’est le bon sens qui m’a aidé et m’aide, me conduit encore aujourd’hui. Je dis cela après toutes ces années de travail, parce j’ai commencé aussi par essayer de comprendre, de savoir. L’idée qu’il faut développer la capacité d’ouvrir la bouche de plusieurs façons pour pouvoir trouver la bonne manière dans la vie, quelque soit la situation, l’environnement, ce que l’on veut dire, l’intention et l’émotion sous-jacentes, c’est une question de bon sens.

On n’ouvre bien sûr pas la bouche de la même façon si on veut hurler ou si on veut dire des mots doux à quelqu’un ! On n’ouvre pas la bouche comme un four si on est juste à côté d’une personne ! On ne place pas la tête de la même manière si on est en plein air et que l’on veut appeler « hoho ! » ou si on est à côté de quelqu’un en train de lui parler. Si on a tout le temps la tête en l’air dans la vie, on va avoir un problème de voix, parce que ça n’est pas cohérent avec bien des situations.

Le bébé a-t-il ces potentiels-là justement ?

Il est supposé amener ces potentiels à maturation tout au long des deux premières années de sa vie. C’est le rôle de tous les babils, de tous les mouvements qu’il fait, de jeux avec ses yeux, ses mains, ses pieds, ses retournements, ses ramper, ses quatre pattes, etc. Toutes ces étapes sont là pour amener à maturation ses différentes capacités cérébrales et développer "une image de Soi " riche et fonctionnelle.

Aucun d’entre nous n’est passé par ces étapes à cent pour cent. Soit parce qu’il y avait un grand frère ou une grande sœur que l’on avait envie d’imiter, nous avons alors a brûlé des étapes, soit parce que nous étions l’aîné de la famille et que nos parents avaient envie que l’on se mette debout et que l’on parle très vite . (il y a si souvent la question pressante de l’entourage « Alors il parle, alors il est debout et marche ? »), soit parce que la moquette était rêche et que l’on n’a pas aimé ramper parce que ça faisait mal au bras ou aux genoux, soit parce que maman ne voulait pas que l’on rampe parce que ce n’était pas très propre par terre, soit parce que nous avons passé du temps dans un baby-trotter, etc.

Ce parcours à travers les étapes n’a pas forcément été développé à cent pour cent et dans ce cas-là il restera des manques que l’on compense généralement relativement bien mais qui un jour ou l’autre peuvent rejaillir et créer un problème. Parfois, sous la forme d’un problème indirect, mais parfois aussi lorsqu’il y a eu un accident et que du coup on récupère moins bien ou on a pris de l’âge ou des médicaments qui font que le tonus musculaire n’est plus aussi efficace et c’est là que les manques se manifestent à nouveau.

Les comportements compensatoires sont efficaces pendant un temps mais demandent souvent plus d’énergie et d’engagement. De ce fait, dès qu’il y a une difficulté, accident, traumatisme… les compensations marchent moins efficacement, voire plus du tout.

Une partie du travail est donc effectivement de s’assurer, si on s’adresse à des enfants, que ceux-ci sont passés ou passent par toutes les étapes de la maturation et du développement. Un enfant qui a une langue qui pend, c’est un enfant probablement qui n’a pas bien vécu pleinement les différents stades de ramper. Parce que si la langue sort ainsi, chez les IMC ou autres enfants ayant des difficultés, ce n’est pas par hasard, c’est qu’il y a quelque-chose qui ne s’est pas mis en place à l’intérieur.

"Le travail exploratoire au tapis" est essentiel pour le praticien ou rééducateur, s’il veut comprendre et utiliser les principes de cette méthode. C’est dans cette pratique personnelle et cette exploration, par exemple, que l’on découvre que certaines formes de ramper amènent la tête et le cou à se mobiliser d’une façon spécifique qui engage la langue à bouger et lui apprendre à reculer, permettant l’accès au langage.

Feldenkrais va amener la personne à passer par différentes étapes, sans pour autant développer une répétition jusqu’au succès. C’est clairement la recherche, la stimulation et l’éveil qui permettent l’apprentissage et le développement.

Si je m’intéresse à la façon de ramper d’un enfant, c’est pour qu’il marche un jour, mais aussi parce que un enfant qui se met debout et qui marche, est aussi un enfant qui pense, qui se socialise, qui a des capacités d’abstraction, etc.

Les fonctions humaines ne se sont pas développées l’une à côté de l’autre, le langage ne s’est pas développé par hasard en même temps que l’on s’est mis debout, c’est le fait que l’on se soit mis debout qui a permis le langage. Le cerveau frontal s’est développé quand la masse est venue dans la partie basse de la tête.

Quelqu’un qui ne trouve pas la verticalité n’aura pas la même respiration, ce n’est pas la peine de lui apprendre à respirer de telle ou telle façon. L’important c’est de voir dans sa façon de se tenir debout ce qui fait que la respiration ne s’installe pas. Il faut sans arrêt essayer de faire des liens.

La grande capacité d’un praticien, médecin, rééducateur, est d’être capable de faire des liens. La personne vient pour une chose, on ne va pas prendre pour argent comptant ce qu’elle nous raconte mais on va essayer de mettre cela en lien avec ce que nous nous observons. Nous allons organiser des séances pour essayer de trouver des liens. Le travail nous amène à entrer dans l’histoire de l’autre pour faire des liens, pour donner du sens et ne pas prendre un trouble pour un trouble, ne pas le séparer de la personne et de sa façon de vivre et d’être. Nous essayons de donner du sens.

Une personne a du mal à ouvrir sa bouche ; si nous la poussons à ouvrir la bouche, convaincu que c’est mieux pour elle et sa phonation, elle le fera à force d’efforts et parce que nous le lui demandons. Mais bien vite elle aura tendance à serrer ou rétracter sa langue, alors viendra le moment pour elle de se battre avec ces tensions de la langue et tenter de s’en dégager. Il n’est pas rare ensuite de trouver une tendance à nouer la gorge et puis peut être elle ne viendra plus pendant un mois, parce qu’elle a des problèmes d’estomac !

En ouvrant arbitrairement l’extérieur, nous aurons favorisé l’intégration du problème. C’est pour cela que nous travaillons à partir de l’exploration, la découverte des possibles, mais on ne dit pas ce que l’autre doit faire.

Et ça aussi c’est considérer le cerveau de la personne comme intelligent. Je n’utilise pas mon cerveau pour dire à l’autre comment il doit être et se comporter, mais je l’utilise, en fonction de mon expérience pour créer des situations qui vont permettre à l’autre d’explorer et que ce soit le cerveau de la personne qui trouve ce qui est bon pour elle, tenant compte de tous les multiples paramètres de sa propre vie. Et ce qui est bon aujourd’hui ne sera pas forcément bon demain. C’est la réalité de la vie.

Ce qui nous intéresse, c’est aussi d’aller vers un mouvement, un comportement de qualité. Le moindre effort est l’un des critères de qualité. Le plus important c’est d’aider chacun à comprendre que les choses fonctionnent quand les comportements sont appropriés, cohérents et que si il y a une difficulté, c’est qu’à un endroit il y a une incohérence.

On cherche alors à savoir d’où vient l’incohérence, ce qu’il manque, ce qui a besoin d’être clarifié, stimulé. Ce n’est pas penser que la personne devrait être autrement, pourquoi enfermer une personne qui vient avec un trouble dans une forme ?

Quand on regarde des comédiens sur scène, il y a toutes les façons de faire. On regarde où est-ce que la façon de s’organiser de cette personne n’est pas cohérente, où est-ce qu’elle est figée. On ne va pas lui proposer une autre forme figée puisqu’elle est déjà figée. Et si on donne une nouvelle forme figée jugée meilleure que la précédente, cela va organiser un combat entre deux formes.

Et le problème est que cette forme-là ne pourra pas s’installer librement tant que la première ne lâche pas. Donc, si les deux coexistent, cela va créer une tension. Cette forme ne va lâcher que si on amène le système nerveux à créer toutes sortes de possibilités. C’est la phrase des Chinois : « C’est à force d’avoir épuisé toutes les manières de marcher de travers que l’homme finira par marcher droit », c’est cela que ça veut dire. Donc, nous explorons différentes formes et cela va enrichir le potentiel, c’est-à-dire la capacité de s’adapter, et cela va du même coup détruire la forme initiale. Apprendre à faire les mêmes choses de différentes façons c’est s’assurer qu’on a un potentiel pour s’adapter à toutes les situations et que de plus on n’est pas enfermé dans une seule façon de faire.

La notion de mono-action est très importante. Quand on regarde le fonctionnement du jeune enfant, on voit cette unité. Tout va dans la même direction, tout fonctionne ensemble, c’est une seule personne, il n’y a pas de séparation. C’est la cohérence dans le fonctionnement que l’on cherche. Ce que va faire la cage thoracique est cohérent avec ce que fait la tête, avec ce que font les yeux, avec ce que fait l’attitude de l’ensemble de la personne. On ne peut pas séparer les choses. Quand on dit « j’ai un problème de voix », on sépare la voix de la personne et ce sont les séparations qui créent les difficultés. En tant que rééducateur ou éducateur, il nous faut avoir un esprit de recherche. Nous ne sommes pas là pour appliquer des méthodes, des savoir-faire, nous sommes là pour guider et organiser des recherches, trouver les portes d’entrée, amener à se poser des questions, remettre en question…. Partir en tout cas de là où la personne se situe et fonctionne, de sa cohérence de l’instant.

Que pourriez vous nous dire les éventuelles limites de la méthode ?

Je ne crois pas que la question se pose en terme de limites…
Il ne s’agit pas encore une fois de méthode au sens « package prédéfini », mais d’un ensemble de principes que l’on utilise dans l’élaboration d’un processus d’exploration et d’apprentissage, d’une façon de regarder et considérer l’élève ou le patient comme une personne ayant à chaque instant une certaine cohérence (même lorsque cela nous paraît incohérent…), d’une approche systémique du trouble que présente la personne qui vient en rééducation, d’une réflexion sur ce que veut dire "apprendre" et enfin d’une certaine façon de penser le fonctionnement de l’être humain et ses difficultés.

Si limites il y a, elles sont plutôt du côté du professeur ou rééducateur, de sa difficulté parfois à observer, sentir, comprendre la personne et son trouble, à créer des contextes d’explorations et
Des environnements d’apprentissage qui fassent sens pour cette personne et son système nerveux, à ce moment précis dans son processus d’évolution…

Parler de limites dans cette approche serait la limiter à une succession de séances, de "trucs" alors qu’il s’agit plutôt d’un matériau disponible pour créer ce qui va permettre à la personne d’évoluer…